
Cet article, ça fait longtemps que je souhaite l’écrire et le publier. Je crois en l’importance de rendre publiques certaines décisions ou certains évènements qui sont habituellement considérés comme privés. Pour une femme, dire que je ne veux pas d’enfant reste encore quelque chose de marginal et c’est la raison pour laquelle je partage sur ce sujet aujourd’hui.
Parler permet d’ouvrir des voies et des possibles pour les autres. Depuis quelques années, les femmes parlent et sont écoutées (car nous avons toujours parlé mais nous n’étions simplement pas écoutées) et cela nous donne l’occasion de réaliser que nos histoires, nos vécus, nos traumas, que l’on croyait isolés se révèlent en réalité partagés par la plupart d’entre nous.
Parce que je sais que c’est un sujet sensible, je souhaite apporter quelques précisions en préambule. Les opinions exprimées dans cet article sont les miennes et n’engagent que moi. Le fait que j’ai décidé de ne pas avoir d’enfant n’est pas une remise en question des choix de vie des autres femmes. Je défends le droit de chaque être humain et en particulier de chaque femme sur cette terre de faire exactement ce qu’elle veut, et ceci dans tous les domaines, maternité comprise. Il n’y a pas de rivalité ou de compétition entre les femmes qui ont des enfants, celles qui décident de ne pas en avoir et celles qui ne parviennent pas à en avoir. Je crois que nous avons toutes le même droit à la parole et il est important que chaque personne puisse s’exprimer.
Dernièrement, j’ai partagé un post sur Instagram qui nous invitait collectivement à cesser de demander aux femmes si elles veulent des enfants et quand elles prévoient d’en avoir. Une personne (ndlr : un homme) m’a répondu que ce n’était pas grave qu’on me la pose puisque je ne veux pas d’enfant, et que c’était quand même pire pour celles qui en veulent et qui ne peuvent pas en avoir. Je ne nie absolument pas la souffrance que c’est lorsqu’on souhaite avoir un enfant, qu’on n’y parvient pas, et qu’on nous pose sans cesse la question – c’est d’ailleurs pour ça que j’avais partagé cette image : il faut arrêter de poser cette question à toutes les femmes. Mais je ne crois pas non plus qu’il soit pertinent de faire des comparaisons afin de chercher qui a la pire situation. C’est le même mécanisme lorsque l’on dit aux femmes qui ne veulent pas d’enfant qu’elles pourraient penser à celles qui ne peuvent pas en avoir. Dois-je réellement préciser que les corps des femmes ne sont pas des vases communicants ? Le fait que j’ai ou non des enfants ne changera rien à la vie des autres femmes et ne les rendra pas plus ou moins heureuses. Ces types de réaction sont utilisés pour silencier une partie des femmes et les faire culpabiliser en leur montrant que leur décision n’est pas la bonne ou qu’elles ont tort de s’exprimer.
En 2021, nous devrions toutes avoir le droit de faire les choix de vie que l’on veut. Nous devrions pouvoir exprimer notre opinion sur le désir de non-maternité sans que cela ne provoque un tollé, sans recevoir une salve de critiques en retour, sans que l’on nous dise que nous devrions aller nous faire soigner et sans que l’on essaie de nous convaincre par A+B que nous avons pris la mauvaise décision. Dans ces prochaines lignes, je partage ainsi mon avis sur le sujet et j’espère amener une pierre à l’édifice des réflexions que l’on peut avoir sur le fait de vouloir ou non des enfants. J’évoquerai tout d’abord le cheminement qui m’a conduit à ce choix puis je listerai les raisons pour lesquelles je l’ai fait.
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MON CHEMINEMENT
Depuis toute petite, je n’ai jamais imaginé ma vie sans enfant. Lorsque j’avais six, huit ou dix ans, je ne me réjouissais que d’une seule chose : avoir un bébé. J’avais une véritable passion pour les enfants. J’adorais jouer avec eux, prendre soin d’eux, pousser la poussette, donner le biberon, donner le bain, les habiller. Lorsque j’ai eu dix ans, ma marraine a eu une fille et l’année suivante, des jumelles. J’étais tellement contente qu’il y ait trois enfants dans la famille. J’ai passé beaucoup de mes vacances à Lausanne pour jouer avec les petites et m’occuper d’elles. Puis j’ai grandi et j’ai été suffisamment âgée pour faire du baby-sitting rémunéré. Durant mes études à l’Université et à Paris, j’ai gardé de nombreux enfants âgés de cinq mois à treize ans dans plusieurs familles.
Lorsque je regarde en arrière, je réalise que la possibilité de ne pas avoir d’enfant n’a jamais fait partie des options possibles pour moi. Comme beaucoup de personnes, j’ai grandi dans un monde où la majorité des gens se marie et a des enfants, et je savais qu’un jour, ce serait mon tour. Cela m’intrigue aujourd’hui de constater qu’il n’y avait pas d’alternative dans mon esprit. J’aurai des enfants, parce que c’est comme ça, parce que je suis une femme et parce que c’est ce que font les femmes. Je ne crois pas que c’était un choix réfléchi, c’était plutôt une évidence, un truc qui allait de soi, ma destinée, le but ultime.
On élève les petites filles de cette façon et ce n’est même pas forcément quelque chose de conscient. On les appelle des « petites mamans », on leur dit « tu verras quand tu auras des enfants ». Je crois que l’on devrait présenter aux enfants la multitude des choix qui s’offrent à eux, et notamment ouvrir la possibilité dans leur esprit d’avoir ou non des enfants dans leur vie future.
Jusqu’à mes dix-sept ans, je voulais six enfants. J’ai eu un premier déclic vers vingt ans, lorsque je gardais une petite fille de cinq mois. Je m’en occupais trois jours par semaine, de 8h à 14h si ma mémoire est bonne. Là, j’ai réalisé l’impact que cela pouvait avoir sur ma vie d’avoir un si petit bébé à garder au quotidien. Tout était soudainement plus compliqué et prenait beaucoup de temps. Le moindre déplacement à l’extérieur devenait une expédition. Faire un aller-retour à la Poste en cinq minutes n’était plus possible. Aller boire un thé avec une amie était compliqué, ou tout du moins plus comme avant, car il m’était impossible de tenir une conversation, mon attention étant totalement dirigée sur l’enfant.
A vingt-deux ans, j’avais un copain depuis plusieurs années avec qui je pensais passer le reste de ma vie, un bel appartement, un travail. La prochaine étape, c’était d’avoir des enfants. Mais j’étais jeune et cette prochaine étape me semblait très lointaine. C’est à ce moment-là que la possibilité de ne pas avoir d’enfant a commencé à germer.
La décision de ne pas devenir mère n’a pas été prise par une belle journée de printemps. Je ne me suis pas levée un matin en me disant « Ah tiens, je n’aurai pas d’enfant ». Ce fut un long processus qui a duré plusieurs années et qui a commencé par ce premier déclic que j’évoque plus haut. Par la suite, ce sont plusieurs éléments et expériences qui m’ont amenées à ce choix.
Grâce à mes divers baby-sitting, j’ai pu avoir un aperçu de ce que serait ma vie de mère avec des enfants de tous les âges. Même si j’avais beaucoup de plaisir à m’occuper de ces petit.e.s qui n’étaient pas les mien.ne.s, je savais que c’était un travail, qu’il avait un début et surtout une fin. A 19h, je les rendais aux parents et je retrouvais ma liberté. En 2013, à vingt-six ans et après la fin de mon dernier baby-sitting, ma décision était déjà plus ou moins prise, même si je laissais encore une porte entr’ouverte dans mon esprit. Lorsque je me suis mise en couple à cette époque, j’ai précisé au tout début de la relation que je ne voulais pas d’enfant et que je n’en aurai pas. Cela m’a toujours paru être quelque chose d’important à discuter, afin que chacun.e sache à quoi s’attendre.
Au cours des sept dernières années, grâce à des lectures, à des récits de femmes, à l’observation de ce qu’implique d’avoir des enfants pour les femmes autour de moi, mais aussi grâce à une prise de conscience via les théories féministes de l’inégalité dans laquelle plonge un couple lorsqu’un enfant arrive, ma décision s’est renforcée et cette porte que j’avais laissée entr’ouverte s’est fermée pour de bon.
Ce long processus n’a pas toujours été facile. Prendre la décision de ne pas avoir d’enfant a été un deuil à faire. J’ai eu une période où j’étais triste quand j’y pensais. Triste de savoir que je n’aurai finalement pas d’enfant alors que j’en avais tant rêvé étant petite, tout en sachant que c’était la meilleure décision pour moi. Ce processus n’a pas été simple non plus vis-à-vis de l’extérieur qui n’a pas toujours compris ce choix lorsque j’ai commencé à l’exprimer. Combien de fois a-t-on essayé de me convaincre, de me dire à quel point c’était merveilleux, à quel point je ratais quelque chose. Aujourd’hui, après sept ans, cela ne se produit plus. C’est quelque chose qui est posé, qui est compris et qui n’est plus débattu, et c’est très agréable.
Aujourd’hui, je vis une vie qui me plaît, dans laquelle je me sens bien et qui me correspond complètement. J’ai un besoin fondamental de liberté qui n’est pas compatible avec le fait d’être mère. J’aime avoir tout mon temps à ma disposition, j’aime pouvoir faire ce que je veux quand je veux, j’aime avoir à ne me soucier de personne d’autre que de moi-même et je n’ai pas honte de le dire – pourquoi devrait-on avoir honte de ça, d’ailleurs ? Je me remercie d’avoir pris la décision de ne pas avoir d’enfant et je me dis régulièrement que c’est le plus cadeau que j’aie pu me faire dans la vie.
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LES RAISONS POUR LESQUELLES JE NE VEUX PAS D’ENFANT
– La liberté / les libertés
J’évoque ci-dessus la liberté que me confère une vie sans enfant. Pour moi, c’est l’argument principal, la raison numéro une pour laquelle je ne souhaite pas devenir mère. J’ai besoin de cette liberté de pouvoir faire ce que je veux, quand je le veux et comme je le veux. La liberté de lire un livre pendant des heures après le travail, la liberté de dormir de longues nuits sans interruption, la liberté de ne pas me réveiller à 7h le dimanche matin, la liberté de manger quand je veux et de ne pas cuisiner à heures fixes, la liberté de voyager partout quand j’en ai envie, la liberté de ne pas avoir à planifier des activités pour occuper les enfants, la liberté de ne pas avoir à aller au parc pour les regarder monter et descendre du toboggan quarante-cinq fois en quinze minutes, la liberté d’organiser un souper avec mes amies à l’improviste sans avoir besoin d’organiser un baby-sitting.
En résumé, la liberté d’avoir tout le temps pour moi et pour faire ce que j’aime sans avoir à m’occuper de quelqu’un d’autre. Est-ce que cela fait de moi quelqu’un d’égoïste ? Je ne crois pas. Je le note car c’est souvent une critique faite aux personnes qui n’ont volontairement pas d’enfant et qu’on appelle les childfree (contrairement aux childless qui souhaitent des enfants mais ne peuvent pas en avoir). Qui a dit que toutes les femmes ont l’obligation de faire des enfants et de consacrer une partie de leur existence à leur éducation ? Je revendique la possibilité pour les femmes de ne vivre que pour elles et de ne pas toujours être dans le soin apporté aux autres.
J’aime trop ma liberté pour risquer de la perdre en ayant un enfant. Je ne souhaite pas changer ma façon de vivre qui me plaît comme elle est. Je perçois, probablement avec une intensité inférieure à ce qu’il est réellement, le bonheur que peut représenter le fait d’avoir un enfant, de le regarder grandir, de voir à quel point il est chou. Je comprends car je peux regarder mes neveux pendant des heures ou visionner des vidéos d’eux quinze fois de suite tellement ils sont mignons. Toutefois, cela ne surpasse pas le souhait que j’ai de garder cette liberté totale de l’aménagement de mon temps et de mes activités.
– Les difficultés de la vie
Même si je vais bien et que j’aborde la vie avec bonne humeur, je trouve quand même que l’existence est difficile. Il y a tellement d’étapes à passer. L’école, l’adolescence, choisir une formation, trouver un travail qui nous plaît, gérer toutes les relations sociales qui se présenteront à nous au cours d’une vie, les chagrins d’amour, les chagrins d’amitié, les difficultés avec les collègues, vivre dans un monde rempli d’inégalités entre les sexes, entre les races, entre les espèces vivantes. Ce n’est pas toujours facile à vivre pour moi, et cela ne l’a pas toujours été dans le passé non plus, et je n’ai pas envie d’imposer tout ça à quelqu’un d’autre. Sur la balance de la facilité, je crois qu’on peut quand même dire que la vie, c’est pas facile, même s’il y a heureusement des milliers de moments ultra cool.
– Les pressions sociales sur les mères
Les pressions sur les mères sont énormes. Il y a tellement d’injonctions qui tombent sur les femmes au moment où elles ont des enfants que c’en est alarmant. Il ne suffit pas d’être mère, il faut en plus être une bonne mère et chacun.e y va de son appréciation et de ses conseils, avec des injonctions toujours contradictoires. Il faut allaiter mais pas trop longtemps, il faut avoir des enfants mais pas plus qu’un certain nombre, il faut travailler mais pas trop. Il faut, il faut, il faut. Je crois qu’il est temps qu’on apprenne collectivement à foutre la paix aux mères. Ce n’est pas facile car on a grandi dans une société qui nous éduque à être comme ça, mais on peut y arriver en travaillant sur nous-mêmes et nos réactions et en réfléchissant à deux fois avant de donner notre avis sur la manière d’agir d’une femme avec son enfant.
L’ensemble de ces pressions sociales et cette injonction ultime d’être une bonne mère dont la définition change toutes les cinq minutes font peser une culpabilité géante sur la plupart des femmes qui ont des enfants. Elles finissent par penser qu’elles ne font pas juste ou qu’elles n’en font jamais assez. Pour cette raison également, merci mais non merci, je passe mon tour.
– Le comportement des hommes / des pères
Si un couple arrive à maintenir une certaine égalité dans la répartition des tâches lorsqu’il n’y a pas d’enfant, les rôles traditionnels se remettent en place à l’arrivée du premier et il est difficile d’y remédier. C’est toutefois possible et on peut atteindre ce que l’on appelle une inégalité acceptable dans laquelle les femmes prennent en charge plus de tâches mais pas la totalité. Mais c’est au prix de longues discussions, de remises en question, de réflexions à deux, de déconstruction des stéréotypes de genre et de quelques fortes engueulades.
Dans la situation actuelle, les prises de conscience des hommes quant à ces inégalités sont encore trop faibles pour que je puisse vouloir faire un enfant avec l’un d’entre eux. Ce n’est pas parce que les hommes sont naturellement d’horribles personnages mais parce que l’éducation genrée et le patriarcat ne nous élèvent pas de la même façon. Les femmes sont davantage tournées vers le soin et l’attention aux autres alors que les hommes sont davantage encouragés à prendre soin d’eux et à penser à leurs besoins en priorité. Je sais exactement ce qui m’attend en faisant un enfant avec un homme. Et je n’ai ni l’envie, ni l’énergie de me lancer dans cette aventure avec l’un d’entre eux.
– La maternité n’est pas la maternité dépeinte dans les magazines ou sur internet
Je suis régulièrement assez perplexe lorsque je vois combien les maternités sont glorifiées et enjolivées dans les magazines ou sur internet, sur certains blogs et comptes Instagram. Si je ne m’étais jamais occupée d’enfants, j’aurais l’impression que tout est facile, que tout n’est que félicité et émerveillement, que la relation avec le père sera super et qu’on vivra tous les trois en harmonie dans cette bulle de bonheur magique.
Mais je sais que c’est faux. Je sais que je devrai me consacrer à ce petit être, je sais que je ne dormirai plus, je sais que je serai fatiguée tout le temps, je sais que j’aurai une charge mentale incommensurable qui me tombera sur la tête, je sais que je n’aurai souvent plus une seule minute à moi, je sais qu’il y aura des conflits avec le père parce que j’en ferai beaucoup plus que lui, je sais que je devrai lutter pour qu’il fasse passer l’enfant avant ses besoins à lui, je sais que je devrai jongler entre ma journée au travail et ma deuxième journée qui commencera à 17h avec les enfants. Je ne sais que trop bien tout ce à quoi je devrai renoncer en devenant mère. Et je n’ai vraiment pas envie de m’infliger ça.
J’ai véritablement le sentiment que la société ment aux femmes. On nous ment en nous disant que ce sera un peu difficile mais que ce n’est rien comparé au bonheur qu’on ressentira au contact de notre enfant. On nous ment en nous faisant croire que, de nos jours, les femmes peuvent tout avoir. Une carrière, des enfants, des loisirs, une sexualité épanouie et le temps de faire du sport. On nous ment en nous faisant croire qu’on a atteint l’égalité dans la répartition des tâches domestiques et que, désormais, les pères sont bien plus impliqués que par le passé (même s’ils s’impliquent un peu plus, les mères assument toujours la majorité des charges mentales et émotionnelles ainsi que des tâches domestiques. Les études le montrent, et même si on peut penser le contraire, ça n’a pas beaucoup évolué depuis trente ans). On nous ment en nous faisant croire que si ce n’est pas le cas dans notre couple, c’est qu’on a choisi le mauvais homme ou qu’on ne sait pas s’organiser.
Au-delà du bonheur que peut être l’accueil d’un enfant, il me semble important de penser aux conséquences que la maternité aura sur la vie des femmes. Ces dernières années, des blogs et des témoignages de femmes ont paru ici et là pour exprimer les difficultés liées à la maternité. C’est un bon pas en avant mais l’attention accordée à ces voix mais semble encore assez faible en comparaison à l’enjolivement de la maternité qu’il y a de l’autre côté. On devrait davantage s’informer les unes les autres sur ce qui nous attend. On devrait davantage pouvoir être libres de parler de nos ressentis. On devrait davantage pouvoir exprimer les difficultés que nous rencontrons dans notre rôle de maman sans avoir à les balayer d’un revers de la main juste après parce que les autres vont s’empresser de nous qualifier de mauvaise mère.
Je trouve que c’est un joli rêve romantique de promouvoir un couple qui s’aime et qui décide d’avoir un enfant, avec maman à temps partiel et papa à temps plein, où chacun des deux parents réalise sa destinée. La mère se consacre aux enfants, le père se charge de ramener l’argent. La réalité est autre lorsqu’on sait que presque un couple sur deux divorce. Et dans ces cas-là, il faut penser aux conséquences que cela a eu pour les femmes, sur leurs carrières, sur leurs indépendances économiques, sur leurs retraites. Combien d’entre elles se retrouvent dépendantes financièrement d’un conjoint qu’elles n’aiment plus et ne peuvent pas quitter ? Combien d’entre elles se retrouvent dans des situations de violences économiques où c’est l’homme qui gère l’ensemble des finances, qui s’attribue le revenu gagné à l’extérieur et qui leur donne de l’argent de poche (il est temps que l’on se mette tous et toutes bien dans la tête que les femmes au foyer travaillent et que ce n’est pas parce qu’elles ne sont pas rémunérées que ce n’est pas un vrai travail) ? Combien d’entre elles se retrouvent à devoir se réinsérer professionnellement parce que leur mari les a quitté ?
On entend souvent l’expression travailleurs pauvres. En réalité, la majorité des travailleurs pauvres sont des travailleuses pauvres et en particulier des femmes célibataires avec des enfants (on comprend mieux l’importance de l’écriture inclusive, n’est-ce pas ? En tout cas dans ma tête, quand j’entendais travailleurs pauvres, j’ai toujours imaginé des hommes).
Je crois qu’on y gagnerait toutes si on avait en tête l’ensemble des implications qu’entraîne la maternité. Tout le côté positif mais aussi tout le côté négatif pour prendre une décision en parfaite connaissance de cause. Je ne sous-entends pas que les femmes ne sont pas capables de prendre des décisions rationnelles, je dis simplement que je crois que l’on cache aux femmes la réalité derrière le conte de fée de la maternité en promouvant une image idyllique de ce qu’est la vie de famille. Si je n’avais jamais lu de livres féministes et des études sociologiques consacrées à ce sujet, je n’aurais probablement pas ouvert les yeux à ce point sur toutes les inégalités qui s’installent à l’arrivée d’un enfant.
Pour clore ce chapitre, je souhaite ajouter que je ne nie pas le fait qu’il y a des milliers de familles dans lesquelles ce modèle fonctionne et satisfait toutes les parties. Ce n’est absolument pas un jugement de valeur. Comme je l’ai dit plus haut, je défends le droit pour toutes les femmes de faire ce qu’elles veulent et de trouver la configuration qui leur convient le mieux.
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Quatre questions souvent posées
– Tu ne veux pas d’enfant car tu veux faire carrière ?
Même si j’ai parlé de l’impact de la maternité sur les carrières des femmes, et bien je vous avoue ici sans aucune honte que je ne veux pas d’enfant et que je ne veux pas faire carrière non plus. En résumé, j’aimerais vivre ma vie de la façon la plus simple possible en faisant ce que je veux et ce qui me plaît sans qu’on m’emmerde trop et sans trop travailler non plus. En effet, plus je travaille, moins j’ai de temps pour m’adonner à mes passions et moins j’ai de temps pour m’adonner à mes passions, moins je suis heureuse. Si je peux passer ma vie à siroter du thé et à écrire des romans dans une maison au fin fond de la forêt écossaise, ça me convient très bien.
– C’est parce que tu n’as pas trouvé le bon père avec qui en faire ?
Mon désir de non-maternité n’est pas en lien avec l’homme avec lequel je partage ma vie. C’est une décision personnelle. Je pourrais être avec le plus formidable des hommes que la terre ait jamais porté que cela ne changerait absolument rien à la question. D’ailleurs, je ne m’engagerais pas dans une relation avec quelqu’un qui en veut absolument et c’est pour ça que j’aborde toujours le sujet très rapidement afin qu’on soit au clair sur nos attentes respectives.
– Et si tu regrettes ?
On utilise un peu trop souvent cette phrase pour faire planer une grande menace sur les femmes qui hésitent et leur faire peur. Si je ne veux pas d’enfant aujourd’hui et que ce sentiment perdure dans le temps, je ne pense pas me réveiller un jour en me disant que je regrette. C’est un choix bien réfléchi et je suis vraiment sûre que cela n’arrivera pas. Si au pire je dois regretter quelque chose, je préfère regretter de ne pas en avoir eu que de regretter d’en avoir eu.
– Tu n’aimes pas les enfants ?
Comme je l’ai dit plus haut, j’aime beaucoup les enfants. Pour terminer sur une note rigolote, je reprends une phrase de Fiona Schmidt dans son livre « Lâchez-nous l’utérus ». A la question « Tu n’aimes pas les enfants ? », elle répond « J’adore les enfants. J’adore aussi cuisiner, ce n’est pas pour autant que je veux ouvrir un restaurant ». 😉
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LECTURES POUR ALLER PLUS LOIN
– Ils vécurent heureux et n’eurent pas d’enfants, Meghan Daum
– Pride and joy, Tory Casey
– Le chapitre « Le désir de la stérilité. Pas d’enfant, une possibilité » dans Sorcières de Mona Chollet
– Libre à elles, Laurence Santantonios
– Lâchez-nous l’utérus, Fiona Schmidt
– Le regret d’être mère, Orna Donath
Émilie
Wouah bravo et merci pour cet article!! Je suis soufflée, tu as posé en mots ce que je ressens et pense depuis quelques années maintenant. C’est flippant car ça pourrait être moi qui a écrit cet article tellement c’est ÇA!! Malheureusement j’ai toujours de la peine a exprimer clairement les arguments qui font que j’ai pris cette décision (je suis au clair dans ma tête mais pas douée pour l’exprimer) du coup m’inspirer de ton article m’aidera a le faire de façon plus compréhensible 😉 Merci d’avoir partagé tout cela dans ce texte profondément honnête, réaliste, clair, très personnel et libérateur!
Melody
ÉmilieMerci beaucoup Émilie, ton message me touche beaucoup. C’est pour ça que je l ‘ai écrit et je suis vraiment contente que tu puisses t’y reconnaître et qu’il te parle.
Un grand merci aussi pour ton soutien et ta fidélité au fil des articles 🙂 A bientôt ♡
Céline
Waouh! Bravo pour tes mots et ton cheminement. J ai fait le cheminement complètement inverse en ayant 3 enfants mais je suis absolument pour que chacune puisse faire ce qui lui plaît de son utérus et de sa vie. Je suis admirative de la façon dont tu t exprimes. Bonne suite et plein de succès dans la réalisation de tes projets.
Melody
CélineMerci beaucoup Céline, ton message et tes mots me touchent beaucoup. Je suis très heureuse de voir qu’on peut se comprendre mutuellement et accepter les choix de vie qui ne nous ressemblent pas 🙂 C’est ça qui est super.
Merci beaucoup et belle suite à toi aussi 🙂
Jade
Quel bel article Melody ! Je t’ai visualisée tellement sûre de toi et avec des explications claires et au final, totalement normales. Un jour, on aura plus besoin de se justifier, mais le chemin est long…
Pour ma part, petite, je n’ai jamais voulu d’enfants. J’ai jamais été ce genre de personne à s’extasier devant un bébé. Et puis je suis tombée enceinte à 18 ans. Je crois que je me sentais seule à ce moment-là et que j’ai eu l’impression que du coup, mon bébé serait au moins toujours là pour moi. Alors je l’ai gardé. Et il y a eu des moments très difficiles, même si j’étais soutenue par ma famille. Mais j’ai quand même le regret de n’avoir jamais vécu seule. J’aurais rêvé avoir mon propre appartement, vivre seule… Sans responsabilités… C’est quelque chose que je n’ai jamais vécu. Et puis au final, c’est une des meilleures choses qui me soient arrivées. J’ai grandi. Il m’a fait grandir. On a grandi ensemble. Et maintenant, je suis maman de deux enfants et évidemment, tout ce que tu dis dans ton article, c’est vrai. La charge mentale, le manque de liberté, de temps… Mais au final, je me sens heureuse avec eux, je suis contente d’être leur maman.
Mais comme toi, j’aimerais qu’on arrête de faire croire / ancrer l’idée aux petites filles qu’un jour, automatiquement, elles seront mères. Et je pense que de plus en plus, cette idée va se déconstruire !
Merci pour ce magnifique témoignage 🙂
Melody
JadeCoucou Jade,
Merci beaucoup pour ton message et pour ton partage d’expérience, c’est super intéressant j’ai beaucoup aimé lire tes quelques lignes.
Je comprends tout à fait ce que tu dis et ce qu’on peut ressentir quand on a un enfant et c’est vraiment très beau.
Et même si j’ai pointé les aspects qui me paraissent « négatifs », je comprends bien sûr que l’on aime être mère et avoir des enfants 🙂
Merci ♡♡
Em
Merci pour cet article très juste. Tu poses des mots qui résonnent. Et en effet, plus on en parle, moins on peut ignorer que la maternité n’ est pas une suite logique dans la vie d’une femme. Les mentalités changent, lentement, et j’espère que la pression sociale ne sera qu’un mauvais souvenir pour la génération suivante.
J’adore le tournant de ton blog et ton Instagram, plus engagé, affirmé. Bravo, mais surtout, continue 🙂
Take care,
xx
Em
Melody
EmMerci beaucoup Em pour tes mots !
Ils me touchent beaucoup.
Et je suis super heureuse, vraiment, que tu aimes le tournant de mon blog et de mon Insta. Ça me motive d’autant plus à continuer dans ce sens.
Bisous ♡♡
Léna
Salut Melody !
Cela fait quelques jours que je suis ton blog, j’adore ! 🙂
Comme Céline j’ai été un peu dans la démarche inverse : je n’en voulais absolument pas depuis même toute petite, et depuis quelques années le cheminement s’est fait dans l’autre sens, comme quoi !
Cela a été compliqué pour nous et on a été obligés de passer par la PMA, au moins cela a permis de tester la motivation lol !
Mais comme dit dans d’autres commentaires, chacune devrait pouvoir faire ce qu’elle veut de son utérus (j’ai également adoré le livre de FIona Schmidt !) et plus largement de son corps, sans injonction !
Bonne continuation, hâte de lire tes prochains billets !
Melody
LénaCoucou Léna,
Merci pour tes mots et pour ton partage. Je suis heureuse de voir que vous pouvez lire les témoignages des unes et des autres et reconnaître des similitudes dans vos parcours. C’est génial.
Oui, j’imagine comme le passage par la PMA doit être compliqué ! Quel courage ! Tu as toute mon admiration.
A tout bientôt ♡♡
Caroline
Bravo pour cet article, je te comprends et je pense que chacun est libre de ses choix. Malheureusement aujourd’hui la critique est beaucoup trop facile.
Pour ma part, je suis maman d’une fille de 11 ans que j’ai eue quand je me suis sentie prête à 29 ans. J’avais décidé avec mon mari de n’avoir qu’ un seul enfant.
J’ai eu droit un nombre incalculable de fois à la question: à quand le deuxième ? Je repondais alors : jamais. Certains étaient choqués de ma réponse voire offusqués. J’ai eu tout et n’importe quoi comme remarque.
J’ai un chance folle, ma fille a fait ses nuits à 1 mois et c’est toujours une grosse dormeuse. Je l’ai toujours emmenée partout avec moi, je suis disponible pour elle mais j’arrive à prendre du temps pour moi.
Je travaille à temps plein, j’ai eu des remarques pour cela aussi.
Ma belle soeur ne veut pas d’enfant non plus même si elle reconnaît avoir besoin de moments avec sa nièce mais pas d’enfant H24 à la maison.
Bref, quoique l’on fasse, il y aura toujours une personne « bien intentionnée » qui aura un avis tranché et différent du tien.
Continue à écrire des articles qui font réfléchir et qui un jour j’espère feront changer les choses.
Melody
CarolineMerci beaucoup Caroline. Quel plaisir de lire ton expérience.
Oh oui, toujours des choses à redire. Pas d’enfant ça ne va pas, un non plus, deux c’est bon, mais à trois ça commence à faire beaucoup, non ? C’est insupportable. On ne fait jamais juste on dirait !
Merci pour tes mots d’encouragement qui me touchent ♡♡
Angelilie
Très bel article et très juste. Moi aussi je ne veux pas d’enfants et j’assume pleinement mon choix. Comme toi, c’est une décision mûrement réfléchie et je m’en fous du quand dira t’on ! C’est ma vie et pas la leur. Je tiens bien trop à ma liberté entre autres. Merci pour ce bel article que je mets dans mes favoris.
Melody
AngelilieCoucou Angelilie,
Merci beaucoup pour ton mot, je partage tout ce que tu évoques 🙂
A bientôt ! xx
Elisa
À t-on besoin de justifier ses choix ? Non.
Pendant 20 ans les gens m’ont demandé : « alors c’est pour quand ? »
Pendant 20 ans j’ai entendu parler de : tu seras seule quand tu seras vieille, il faut payer pour la retraite des futurs vieux, tu es égoïste, tu passes à côté de la plus belle chose de ta vie, tu n’aimes pas les enfants etc etc etc…Merde.
Seule quand je serai vieille est une certitude, j’ai l’exemple tous les jours sous les yeux….mon père. Je ne suis pas égoïste : faire un enfant est un acte égoïste, ne pas en faire est un respect de mon choix. La plus belle chose de ma vie : comment ceux qui ont des enfants peuvent-ils savoir ce que c’est que de ne pas en avoir ? Je n’aime pas les enfants : si je les adore même et pour un tas de raisons, mais je les trouve très bien chez eux. Et puis quoi encore ? Pourquoi faut-il toujours se justifier et justifier ses choix ? Demande t-on à une femme la raison pour laquelle elle fait des mômes ? Elle va répondre qu’elle est faite pour ça, que son envie d’en avoir est au dessus de tout, que c’est beau que son corps est fait pour ça etc etc. Et bien, je suis tout le contraire et à 65 ans, je dis stop à tout ce bla bla bla, je respecte le choix des mères et je revendique le respect de mon choix de vie. Point.